C'est une histoire trouble, que nous compte cet auteur, une histoire qui est posée là, sans fioriture, sans même un jugement.
Elle parle de ceux qui furent amenés à la montagne par le régime communiste de Mao pour les rééduquer, du manque d'empathie des villageois, du contraste entre la vie d'avant, celle des lettrés, des artistes et celle d'esclaves à disposition de montagnards vivant dans un monde ancien et immuable, où on n'a guère le temps d'avoir le luxe de faire son intellectuel.
La trame de l'histoire est cruelle, la narration est simple, les images sont brutales et parfois, des touches poétiques nous renvoient à autre chose qu'un témoignage, auquel on finit par croire.
Mais ce qui est absolument incroyable dans ce livre, c'est que personne n'est jugé moralement, on expose des faits et des impressions parfois intimes, souvent décalées, comme si le personnage voyait le film de sa vie sans arriver à en faire vraiment partie. On en ressort juste un peu plus tolérant, sur le phénomène de la rééducation à la chinoise. Tous semblent être des pions sur un échiquier immense, un pays démesuré, la Chine, un empire qui se cherchait dans les souffrances, les outrances, un temps .pas si lointain et pourtant si peu proche de la Chine actuelle:
Ceci est un extrait d'un résumé trouvé sur ce site
Elle parle de ceux qui furent amenés à la montagne par le régime communiste de Mao pour les rééduquer, du manque d'empathie des villageois, du contraste entre la vie d'avant, celle des lettrés, des artistes et celle d'esclaves à disposition de montagnards vivant dans un monde ancien et immuable, où on n'a guère le temps d'avoir le luxe de faire son intellectuel.
La trame de l'histoire est cruelle, la narration est simple, les images sont brutales et parfois, des touches poétiques nous renvoient à autre chose qu'un témoignage, auquel on finit par croire.
Mais ce qui est absolument incroyable dans ce livre, c'est que personne n'est jugé moralement, on expose des faits et des impressions parfois intimes, souvent décalées, comme si le personnage voyait le film de sa vie sans arriver à en faire vraiment partie. On en ressort juste un peu plus tolérant, sur le phénomène de la rééducation à la chinoise. Tous semblent être des pions sur un échiquier immense, un pays démesuré, la Chine, un empire qui se cherchait dans les souffrances, les outrances, un temps .pas si lointain et pourtant si peu proche de la Chine actuelle:
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"Le
Binoclard était notre ami. Sa famille habitait la ville
où travaillaient nos parents ; son père était
écrivain, et sa mère, poétesse. Récemment
disgraciés tous les deux par les autorités, ils
laissaient " trois chances sur mille " à leur
fils bien-aimé, ni plus ni moins que Luo et moi.
Chez
lui nous découvrîmes une valise élégante,
en peau usée mais délicate. Une valise de laquelle
émanait une lointaine odeur de civilisation. Nous supposions
qu'il cachait là dedans des livres.
A
l'âge où nous avions su lire couramment, il n'y
avait déjà plus rien à lire. Tous les livres
occidentaux étaient partis en fumée. Confisqués
par les Gardes rouges, ils avaient été brûlés
en public, sans aucune pitié. Un jour Luo et moi aidâmes
le Binoclard, qui avait égaré ses lunettes, à
transporter les soixante kilos de riz jusqu'à l'entreprise.
Nous étions morts de fatigue. A notre retour, le Binoclard
nous passa un livre, mince, usé, un livre de Balzac.
Un choix dont la raison nous resta obscure, et qui bouleversa
notre vie dans la montagne du Phénix du Ciel. Ce petit
livre s'appelait Ursule Mirouët.
Et
brusquement, comme un intrus ce livre me parla de l'éveil
du désir, des élans, des pulsions, de l'amour,
de toutes ces choses sur lesquelles le monde était, pour
moi, jusqu'alors demeuré muet. Malgré l'ignorance
totale de ce pays nommé la France, l'histoire d'Ursule
me parut aussi vraie que celle de mes voisins.
Luo
n'était pas encore rentré. Je me doutais qu'il
s'était précipité dès le matin sur
le sentier, pour se rendre chez la Petite Tailleuse et lui raconter
cette jolie histoire de Balzac. J'imaginai comment Luo lui racontait
l'histoire, et je me sentis soudain envahi par un sentiment
de jalousie, amer, dévorant, inconnu.
Je
décidai de copier mot à mot mes pages préférées
d'Ursule Mirouet. Comme je n'avais pas de papier, je les copiais
directement sur la peau de mouton de ma veste.
La
lecture de Balzac avait métamorphosé la Petite
Tailleuse. Un jour de repos, Luo emprunta ma veste de peau pour
aller la retrouver sur le lieu de leurs rendez-vous, le ginkgo
de la vallée de l'amour. " Après que je lui
ai lu le texte de Balzac mot à mot, me raconta-t-il,
elle a pris la veste, et l'a relu toute seule, en silence. On
n'entendait que les feuilles grelotter au-dessus de nous, et
un torrent lointain couler quelque part. A la fin de sa lecture,
elle est restée la bouche ouverte, immobile, ta veste
au creux des mains, à la manière de ces croyants
qui portent un objet sacré entre leurs paumes ".
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