vendredi 7 décembre 2012

Violence ordinaire

L'enfant était seul, dans sa chambre, une pénombre bleue, à peine teintée de rais de lumières provenant de l'éclairage de la lune, ainsi que des autres pièces, teintait de néant ses yeux ouverts.
L'enfant écoutait aussi. Pas question de dormir. Guetter les cris, les chocs, les allées et venues, au cas-où on retrouverait sa mère par terre le lendemain.
Ce n'était même plus de la peur. C'était autre chose de pire. Une sensation de fatalité et de violence venant de tout près.
Ce que l'enfant attendait arriva: un éclat mordant de son père, se mettant à s'amplifier, le ton se précipitant, mêlant plaintes et injures, condamnations implacables...
elle n'était rien, à part une merde, un poids, une incapable, elle ne faisait jamais rien, elle n'avait rien de bon en elle.
La voix fine et apeurée de sa mère répondait parfois, car il se faisait plus violent lorsque le silence répondait à ses injures, ses diatribes, son harcèlement.

Souvent, l'enfant sortait doucement de son lit, se glissait en prenant garde au moindre bruit , au moindre craquement. L'enfant se lovait dans l'escalier, ou sur le siège froid des toilettes et attendait que cela s'arrête. L'enfant craignait qu'il frappe. Il frappait toujours un moment ou l'autre. C'était encore pire que les voix. C'était moins bruyant, mais plus horrible à imaginer...

Et puis, lorsque les coups s'arrêtaient, sa mère reprenait la conversation, en parlant plus doucement, mais la voix avait changé, elle suintait la haine et les reproches et le venin.
L'enfant ne pouvait même pas soupirer.
Un nouveau cycle recommençait.

L'enfant attendait toujours que le calme revienne. Que le néant du silence engloutisse enfin la maison dans la nuit. Alors l'enfant revenait dans son lit et se pelotonnait dedans. L'enfant se forçait à penser à des trucs plus terribles que ça : des images de zombies, de tête de mort, de sorcières défigurées. Et ça marchait. L'enfant réussissait à dormir dans l'oubli, oblitérant la soirée .

Le lendemain, il reviendrait de son travail le soir. Il commencerait à prendre un verre de rouge bien épais. Il aurait les yeux injectés et lourds, qui se troubleraient de plus en plus. Le cadavre de la bouteille rejoindrait les autres. Elle ne dirait rien, personne ne parlerait à table. Il attaquerait. Ça allait recommencer. L'enfant le savait.

L'enfant se coucherait encore, les sens en éveils et les yeux qui ne pouvaient se fermer. Demain, peut-être, elle pouvait mourir.  

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